
Le cuir de poisson
La peau de poisson est aujourd’hui considérée comme un déchet, malgré ses qualités remarquables : souplesse, résistance, finesse, et surtout une beauté singulière, faite d’écailles, de fibres et de reflets. Transformée avec exigence et sensibilité, elle devient alors matière d’art — là où l’inattendu prend forme et sens.


Un héritage qui m'inspire
Utilisée depuis des siècles en Asie ou dans les pays nordiques, la peau de poisson a aussi été très prisée en Europe, notamment sous la forme du galuchat — un cuir fabriqué à partir de peau de raie ou de requin, prisé dès le XVIIIe siècle, et remis à l’honneur pendant la période Art déco.
Objets précieux, écrins, plateaux, meubles et accessoires étaient alors recouverts de cette matière au grain unique, dense et perlé, symbole de luxe et de raffinement.
Cet héritage m’inspire : il montre que cette matière, bien loin de l’image de rebut qu’on lui attribue aujourd’hui, a toujours su séduire par son originalité et sa richesse.

Du marché...
Ma pratique artistique repose sur la transformation de ces peaux de poissons issues de la pêche locale.
Je me rends au marché des Halles de Merville à Lorient, à 9 km de mon domicile, pour récupérer des peaux auprès d’un poissonnier. Ces peaux, normalement destinées au compost, entament alors un tout autre destin.

à l'atelier
Le travail de rivière
Le travail de rivière, pour nettoyer la peau de toute trace de chair, la désécailler, la préparer aux étapes suivantes
Le bain de tannage végétal
Réalisé avec des tanins extraits de copeaux de bois, souvent récupérés auprès d’un artisan ébéniste, ou achetés auprès d’un fournisseur écoresponsable. Chaque espèce, chaque rendu recherché nécessite un tanin adapté
La
teinture
Si elle a lieu, est réalisée exclusivement avec des extraits végétaux. J’utilise parfois du fer comme mordant pour moduler les teintes
Le séchage et le corroyage
Pour assouplir et de finaliser la matière. Entre la récupération et cette étape, il s’écoule en moyenne un mois, selon les peaux


À ce stade, chaque peau révèle sa singularité
le motif des fibres, les nuances de couleurs, les textures. Le temps, élément fondamental de mon travail, permet de les découvrir. C’est un temps lent, patient, que je revendique. Il permet d’observer, de toucher, de ressentir. Il est la condition de l’émerveillement.



Puis vient le moment du dessin, de la composition
Je m’inspire des peaux elles-mêmes, de ce qu’elles évoquent, pour créer des œuvres qui mêlent abstraction et narration. Là encore, le temps est un allié : il permet à la matière de trouver sa forme, à l’image de naître.
Toutes les étapes sont réalisées par mes soins, dans un souci de cohérence et de responsabilité
Toutes les étapes sont réalisées par mes soins, dans un souci de cohérence et de responsabilité. J’utilise un maximum de matériaux locaux ou issus du réemploi. Le support de mes œuvres lui-même évolue aujourd’hui vers une solution plus respectueuse, fabriquée à partir de chutes industrielles recyclées.

Créer, c’est pour moi prendre soin. De la matière. Du vivant. Du temps.
Mon travail est une réponse sensible à la question écologique. Une invitation à ralentir, à regarder autrement, à honorer ce que la nature nous offre. C’est aussi une aventure humaine, nourrie par les échanges, les savoir-faire partagés, les gestes de ceux qui, autour de moi, croient en cette démarche.









